Mon interview chez L'Oréal
Portrait d’Edouard Sartre (WSE France) : un agriculteur chez L’Oréal
Découvrez une interview d’Edouard Sartre, évaluateur de la sécurité dans l’Equipe Product Safety Evaluation Soin, qui présente la particularité d’avoir une « double vie », puisqu’il est également agriculteur.
Découvrez une interview d’Edouard Sartre, évaluateur de la sécurité dans l’Equipe Product Safety Evaluation Soin, qui présente la particularité d’avoir une « double vie », puisqu’il est également agriculteur. Son exploitation, située dans la région naturelle du Thymerais en Eure-et-Loir, est spécialisée en grandes cultures (blé, orge, colza, pois,…).
- Comment est né ce projet de tourner une partie de ton activité vers l’agriculture? Depuis quand y songeais tu et qu’est ce qui t’a décidé à te lancer?
Depuis de nombreuses années. Au début, c’était un projet ‘un peu fou’ que l’on avait avec mon épouse. Son père est agriculteur. Moi, je n’y connaissais rien… Mais le métier m’attirait au début par son côté bucolique (et grosses machines !), loin du tumulte parisien. Alors on y pense, on se projette, les motivations se font plus nombreuses : métier libéral polyvalent mêlant travail technique en extérieur, connaissances scientifiques, gestion administrative, financière et RH… Les années passent, on termine nos études, on rentre dans la vie active, on aime son métier, on se marie, on profite, on a des enfants,… et passée la trentaine, on se rend compte que ce projet est toujours bien ancré en nous et résonne dans notre tête régulièrement. Alors, on commence à se renseigner, à donner un coup de main, à faire quelques moissons l’été,… et un jour, on se décide à tenter l’aventure !
Mais avant tout engagement, il me fallait confirmer mon choix, mon envie d’exercer ce métier.
J’ai donc pris un congé de formation de 9 mois rallongé de 2 mois pour retourner sur les bancs de l’école afin de suivre une formation agricole, de réfléchir et construire mon projet, de travailler en exploitation et commencer la transition avec mon beau-père. Surtout au début, avec la peur de l’inconnu, je suis passé par des phases de doute mais qui m’ont permis de faire évoluer mon projet. Et à l’issue de cette année de formation, j’étais sûr de mon choix. Nous allions nous lancer dans cette belle aventure mais mon projet s’inscrivait dorénavant et de manière pérenne dans le cadre d’une double activité.
- Pourquoi une double activité et comment s’est organisé le passage vers cette double activité?
Mon année de formation m’a permis de me conforter dans mon choix.
Elle m’a apporté de nouvelles connaissances dans des domaines que je ne connaissais pas : agronomie, gestion, comptabilité,… et m’a ouvert sur des sujets passionnants.
Mais je me suis aussi rapidement rendu compte que mon ‘ancienne’ vie me manquait et que je souhaitais garder ce lien avec le monde de l’entreprise et de la toxicologie. La configuration de l’exploitation ainsi que notre mode cultural pouvait laisser la place à une double activité, à condition de réaliser quelques adaptations.
Côté exploitation, je me suis rapproché d’un voisin et nous avons mandaté un cabinet de gestion pour nous proposer des solutions d’association.
Côté L’Oréal, j’ai demandé un aménagement de mon temps de travail qui m’a été accepté après exposition de mon projet.
- Comment cela se traduit-il dans ton quotidien? comment est organisée ta semaine?
Je ne m’ennuie pas ! Je suis entre 1 et 3 jours par semaine à la ferme (week-end compris !) et 4 jours par semaine chez L’Oréal. Donc, c’est bien rodé mais cela me demande une certaine organisation.
En effet, le jour de la semaine où je suis à la ferme, le temps est chronométré : debrief avec notre salarié, rendez-vous administratifs (banque, chambre d’agriculture, fournisseurs,…), tours de plaine, administratif… tout cela doit tenir dans la journée ! En ce moment, c’est plutôt calme dans les champs alors que pendant la moisson et les semis, le rythme sera dense !… Ensuite, je prends des vacances pour faire les principaux travaux (moisson, semis), mais la règle est ‘pas plus de 10 jours de vacances/an pour l’exploitation’, sinon c’est l’équilibre familial qui serait en danger !! Mais j’ai la chance d’avoir mon beau-père encore sur la ferme qui gère aujourd’hui la conduite technique des cultures. Lorsqu’il sera parti, il faudra responsabiliser le salarié et faire confiance à mon associé !
Le reste de la semaine, il faut pouvoir faire la part des choses et être à fond dans ce qu’on fait ! Aujourd’hui, je suis serein quant à la gestion de mon temps et de mes projets grâce à une organisation bien rôdée et une équipe efficace !
- Qu’est ce qui te plait le plus dans ton activité agricole ?
Etre dans mon tracteur au coucher du soleil !
A part ça ? Le côté polyvalent du métier :
T’en as marre d’être devant ton ordi à faire de la compta et régler des factures ? Tu vas faire un tour de plaine !
Il pleut ? Tu rentres faire de la compta ! ou de la soudure, de la maçonnerie,… En fonction de tes envies !
Plus sérieusement, je trouve que ce métier, par son caractère multidisciplinaire, est passionnant et doit relever dans les prochaines années un défi qui peut se résumer à une simple équation mathématique : quantité + qualité – impact sur l’environnement – impact sur la santé humaine. Et pour répondre à cette équation, beaucoup de leviers existent :
- agronomiques : choix des rotations, des assolements, des variétés semées, connaissance des produits phytosanitaires (efficacité/sécurité), utilisation des seuils de traitement,…
- technologiques : GPS, autoguidage, cartographie satellitaire, drones,…
A nous de combiner tout cela mais il n’y a pas de quoi s’ennuyer si on a l’esprit un peu curieux !
Par ailleurs, déformation professionnelle oblige et ayant envie de conduire une agriculture la plus raisonnée possible, j’ai commencé également à me pencher sur l’étude de la toxicité/écotoxicité des produits phytosanitaires et je souhaite me construire un outil d’aide à la décision prenant en compte évidemment l’efficacité et le prix mais également l’impact sur l’environnement et la santé humaine. Et oui, cela n’existe toujours pas !
- Et dans ton activité de toxicologue ?
Je suis tombé dans la toxicologie pendant mes études de pharmacie.
Avant, je m’orientais plutôt vers la chimie thérapeutique mais lorsque j’ai découvert la toxicologie, je ne l’ai plus lâchée. La toxicologie est un domaine passionnant qui fait appel à toutes nos connaissances scientifiques (chimie, physiologie,…).
Aujourd’hui, je travaille au sein du département Product Safety Evaluation et ai en charge l’évaluation de la sécurité des matières premières et des produits finis pour la marque The Body Shop et plusieurs laboratoires de pré-développement.
Notre mission est de garantir la sécurité du consommateur et nous accompagnons donc les laboratoires pendant les différentes étapes du développement du produit.
Notre évaluation repose sur différentes expertises internes (PCS, CLS, PMS, claims, réglementaire, analyse,…) et nous devons donc travailler en interaction avec différents interlocuteurs afin de construire notre évaluation et fournir à nos laboratoires une décision argumentée.
Et je crois que c’est cela qui me plait le plus : travailler de manière collaborative avec comme motivation la sécurité du consommateur.
- Y a t-il des points communs entre tes deux métiers ?
Je ne sais pas si on peut dire qu’il y ait des points communs. Ce qui est sûr, c’est que j’utilise des qualités développées chez L’Oréal (analyse, synthèse, négociation,…) dans mon activité agricole. Par ailleurs, je me lance dans ce projet riche d’une expérience professionnelle avec un œil neuf et la soif d’apprendre et de bien faire.
Inversement, mon projet agricole m’a permis de développer mon esprit entrepreneurial qui m’apporte une nouvelle vision et un certain recul sur mon activité chez L’Oréal.
Comme le disait Sir Lindsay Owen-Jones, « soyons poète et paysan ». Même si je ne me prétends pas poète, mon expérience me fait peut-être voir aujourd’hui les choses autrement tout en gardant les pieds bien ancrés sur voire dans la terre !
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