L'itinéraire technique du blé tendre d'hiver

Le blé tendre est, après le maïs, la céréale la plus cultivée dans le monde, la France étant le 5ème producteur mondial de blé tendre et le « grenier à blé » de l’Europe.
En 2013, la France a produit 37,3 millions de tonnes de blé tendre de qualité satisfaisante. Environ la moitié de la production française est exportée soit en Europe (60%) soit dans le reste du monde (40%).
L’itinéraire technique présenté suit les principes de la protection intégrée, dont l’objectif est de limiter au maximum les traitements phytosanitaires, et ce dans un objectif de protection de l’environnement et bien entendu de rentabilité.
Ces principes, basés sur des connaissances agronomiques, sont appliqués avant même l’implantation de la culture.
Les principaux leviers de la protection intégrée sont le choix du précédent et la rotation mise en place, le travail du sol en amont des semis, le choix variétal, la date et la densité de semis, la gestion des apports d’engrais et l’utilisation des seuils de traitement phytosanitaire.

Le choix du précédent

Exemple de rotation: colza/blé tendre d’hiver/pois de printemps/blé tendre d’hiver
Le colza en tête de rotation permettra, grâce à son système racinaire puissant en pivot, d’améliorer la structure du sol et ainsi évite un travail du sol lourd avant implantation du blé. Par ailleurs, le sol est libéré tôt permettant de déchaumer et de nettoyer le sol avant implantation du blé. Le déchaumage doit être léger afin de ne pas abimer la structure du sol, améliorée par la culture de colza.
Par ailleurs, la culture de colza permettra de réduire la présence d’adventices et de rompre le cycle des maladies des céréales (piétin verse, septoriose, fusariose). Ceci est expliqué par la décomposition des résidus de colza riches en glucosinolates, entrainant la production de composés toxiques pouvant inhiber la prolifération des champignons présents dans le sol.
Un blé de colza produit environ 10% de rendement en plus qu’un blé/blé.

La culture de pois de printemps entre deux blés permettra :
- de réduire la pression des graminées et des dicotylédones automnales en provoquant la rupture du cycle
- diversifier le mode d’action des herbicides
- d’enrichir le sol en azote avant la prochaine implantation de blé.

La préparation du sol

Le colza améliorant nettement la structure du sol, un labour avant implantation de blé n’est pas conseillé.
Un déchaumage léger, avec un déchaumeur à disques (type cover-crop), sera réalisé après la récolte du colza.
Ce déchaumage permettra la levée des graines de colza tombées au sol à la récolte et ainsi les repousses, si elles sont laissées a minima un mois, capteront les nitrates du sol. Ce faux-semis permettra également, avant la culture de blé, de réduire les populations de vulpin et de géraniums. Un deuxième déchaumage, réalisé donc a minima un mois après le premier, détruira les plantes en place et favorisera une deuxième levée qui pourra être détruite avant le semis de blé.
Le faux-semis a donc deux intérêts : favoriser les repousses de colza et des adventices et capter les nitrates du sol.
Un traitement à l’herbicide total (glyphosate) avant le semis de blé permettra de détruire le couvert végétal. Ce traitement sera réalisé 7 jours avant le semis de blé.

Le choix de la variété implantée

Pour choisir sa variété de blé implantée, il faut prendre en compte plusieurs paramètres :

- La destination de la récolte : panification, biscuiterie, alimentation animale,… Un blé panifiable sera vendu plus cher qu’un blé fourrager mais aura besoin de plus d’azote pour obtenir un bon taux de protéines. Nous avons donc choisi une variété BPS : blé panifiable supérieur.

- La date de semis : Un semis tardif présente l’avantage de réduire la quantité d’herbicides appliquée par rapport à un semis précoce et éviter la présence de pucerons (responsable de la jaunisse nainissante). Mais la date de semis doit en priorité répondre à un objectif de praticabilité de l’implantation. En effet, il va falloir intervenir dans des conditions de ressuyage satisfaisantes pour ne pas pénaliser la croissance de la culture. Etant donné les caractéristiques de la parcelle étudiée impliquant une forte rétention en eau, il va falloir semer précocement et donc choisir une variété à implantation précoce.

- La date de récolte : récolter tôt permet de limiter les risques d’échaudage. En cas de forte sécheresse, l'évapotranspiration devient trop forte provoquant un dessèchement brutal de la plante sans que les réserves accumulées dans les feuilles et les tiges aient eu le temps de migrer vers les grains, conduisant à un arrêt plus ou moins total du remplissage des grains ou de leur maturation : à la récolte, les grains sont ridés et de faible poids spécifique.

- Les risques encourus par la culture et de la résistance de la variété à ces risques : physiologiques (sécheresse, verse,…) ou sanitaires (maladies, ravageurs).

Le tableau ci-dessous, issu de l’institut Arvalis, présente les nouvelles variétés de blé tendre d’hiver (non exhaustif)


Caractéristiques des nouvelles variétés de Blé tendre (inscription 2014)



La date de semis

La période de semis optimale est définie en fonction de la précocité de chaque variété : précocité à montaison (date du stade épi 1 cm, déterminant le début de la période de semis) et précocité à épiaison (date d’épiaison, déterminant la fin de la période de semis).
Un semis trop précoce expose la culture à un risque de gel d’épis à montaison. Un semis trop tardif expose à un risque de d’échaudage.
Le déchaumage suivant la récolte du colza précédent devra être réalisé rapidement afin de pouvoir laisser les repousses a minima deux fois un mois. Si le colza est récolté mi juillet, le blé devrait pouvoir être prêt à semer avant le 25 octobre.

La densité de semis

La densité optimale de semis doit être adaptée en fonction de la date de semis, du type de sol et de l’état du lit de semences. Une trop forte densité n’améliorera pas le rendement mais entrainera des dépenses supplémentaires en semences et favorisera les risques de verse et de maladies.
En fonction des 3 critères précédemment cités, l’institut ARVALIS a déterminé la densité de semis optimale. Ce calcul prend en compte différents critères : la région, le type de sol, la date de semis. A partir de ces critères, ils déterminent le peuplement optimal au m². Ensuite, est pris en compte le taux de pertes estimé en fonction de la pierrosité, de la profondeur du semis, de l’état du lit de semence et de l’excès d’eau prévu.

L'implantation de la semence

Le semis sera fait avec le combiné semoir + herse rotative.
La herse rotative permet de travailler le sol à faible profondeur (< 10cm) et de préparer le lit de semences ainsi que de mélanger la matière organique à la terre.
Un rouleau packer derrière la herse rotative vient rappuyer et niveler le sol.
La profondeur optimale de semis est de 1 à 2 cm. La graine ne doit ni être exposée en surface ni trop profonde pour pouvoir germer et lever rapidement. La profondeur de semis doit être de ce fait régulièrement contrôlée.

La fertilisation de la culture

Le schéma ci-dessous montre les besoins du blé tendre d’hiver en éléments majeurs (Azote N, Phosphore P, Potassium K) et en l’élément secondaire principal pour le blé tendre (Soufre S).





                                                              (1) épi 1cm             (2) épiaison            (3) floraison            (4) grain laiteux
            Source : Centre de recherches d'Aspach, Ministère de l'agriculture
 Besoins du blé tendre d’hiver en N, P, K, S

L’azote

Le N est l’élément majeur pour la croissance du blé. Il permet la croissance du feuillage, est un constituant de la chlorophylle et est présent dans toutes les protéines. L’azote sera donc indispensable à une bonne teneur en protéines dans le grain.
Le N est apporté par la décomposition de la matière organique, des engrais ou encore des eaux de pluie et d’irrigation. Une carence en N entraîne un jaunissement homogène de la plante et induit une croissance ralentie.
Le besoin en N est calculé en fonction de la zone géographique, de la nature du sol, des objectifs de rendement (fonction de la variété semée) et du reliquat sortie d’hiver réalisé en général en février avant le 1er apport d’azote.
La forme assimilable du N est NO3-. L’azote le plus fréquemment utilisé est la solution azotée 390 contenant 39% d’azote pour 100L soit 30% de N pour 100 kg (densité 1,3) dont 7,5% est sous forme nitrique (directement assimilable), 7,5% est sous forme ammoniacal et 15% sous forme uréique, ce mélange permettant une libération prolongée d’azote.  

Le phosphore

Le P permet la croissance et l’épaississement des tiges leur conférant une meileure résistance à la verse, au froid et aux maladies de la tige. Par ailleurs, il agit sur l’induction florale et la production de graines. Il rentre également dans la composition des molécules énergétiques cellulaires : ATP, ADP,…

En cas de carence en P, les feuilles deviennent rouge et la tige cassante.
Il faut en moyenne 70 U/an de P. La forme assimilable du P est le H2PO4-. L’engrais se présente sous la forme P2O5.

Le potassium

Le K active la photosynthèse, rentre dans la formation des protéines. Il permet également les échanges intracellulaires. Il permet une meilleure résistance à la sécheresse en régulant l’ouverture et la fermeture des stomates. Il permet enfin une abondante floraison.
Il faut en moyenne 50 U/an de K. La forme assimilable du K est K+. L’engrais se présente sous la forme K20.

Le soufre

Le S rentre dans la composition des protéines et est donc très important pour les qualités de blé panifiables.
Il faut en moyenne 40 U/an de S. La forme assimilable du S est SO42-. L’engrais se présente sous différentes formes : la kézérite (sulfate de Mg), l’azote soufré ou encore le sulfate d’ammonium.


La protection des cultures

Le programme phytosanitaire réalisé ou prévu sera présenté en fin de chapitre.

La lutte contre les limaces

 

Une fois le semis réalisé, il faut surveiller attentivement la présence de limaces. La présence de limaces est favorisée par un temps pluvieux et doux avant le semis et à la levée. Les sols argileux et motteux leurs sont également favorables. Elles sont rares dans les sols sableux. Le colza est également le précédent le plus risqué. Les adventices procurent aux limaces humidité et nourriture.
L’attaque est d’autant plus grave qu’elle est précoce. Des fortes attaques au semis et à la levée peuvent conduire à la destruction d’une partie de la parcelle. Courant tallage et montaison, les attaques seront sans conséquence majeure sur le rendement.                                     

Différents moyens de lutte existe :
- Réaliser 2 déchaumages permet d’éliminer les œufs et les jeunes limaces en les exposant à la sécheresse, détruit les adventices sources de nourriture des limaces.
- Réaliser une préparation fine du sol pour casser les mottes, habitat des limaces
- Privilégier en interculture des cultures peu appétantes (moutarde, phacélie)
- Lutte chimique sous forme de granulés de métaldehyde entre 3 et 5%
  
Limaces par m²
Niveau de risque
Conseil
> 50
Fort
Association obligatoire luttes culturale et chimique.
20 à 50
Moyen
Traiter avant semis (15 jours) et/ou au semis (appliquer dans le raie de semis si limaces noires) 
Renouveler l’intervention en présence de dégâts à la levée
1 à 20
faible
Surveiller la culture et attendre les premiers dégâts pour traiter, sauf en cas de semis direct où le risque est fort.
Conseils établis par Arvalis pour la lutte contre les limaces

La lutte contre les adventices

Actuellement, l’apparition de résistance aux herbicides est de plus en plus observée dans nos régions. Le phénomène de résistance est favorisé par des rotations courtes, sans cultures de printemps, par la simplification du travail du sol et les dates de semis précoces. En limitant les leviers agronomiques, la gestion des adventices repose essentiellement sur les pratiques de désherbage chimique. L’utilisation répétée d’un même herbicide dans la rotation augmente le risque de sélection d’individus résistants. L’utilisation de doses faibles, non optimales, favorise également l’émergence de ces populations résistantes.





En cas de résistance, il convient donc de combiner plusieurs leviers :
- alternance des cultures hiver/printemps
- décalage des dates de semis
- diversifier et allonger les rotations
- labour occasionnel
- réaliser des faux semis
- utilisation de différentes substances actives avec des modes d’action différents.

La lutte contre les maladies fongiques

Les plus importantes maladies fongiques pour le blé tendre sont : l’oïdium, le piétin verse, la rouille jaune, la septoriose, la fusariose et rouille brune.


Cycle des maladies fongiques du blé tendre
                            
               

La résistance à ces maladies dépend de la variété choisie.
Par exemple, la variété Fructidor® semée montre dans les essais une bonne résistance à l’oïdium, la septoriose, la rouille brune et la rouille jaune mais est sensible au piétin verse. Cette dernière maladie devra tout particulièrement être contrôlée.

L’estimation du risque de piétin verse est déterminée par les conditions agronomiques de la parcelle (potentiel infectieux, milieu physique, date de semis) et la prise en compte du climat entre la levée et la montaison. Les infections modérées ou sévères peuvent provoquer des pertes de rendement de l’ordre de 10 à 30 %, y compris en l’absence de verse. Les attaques sévères peuvent entraîner une verse, qui complique la récolte et se traduit souvent par une réduction de l’indice de chute de Hagberg.

Concernant l’oïdium, avec les variétés sensibles, les pertes de rendement peuvent être élevées (jusqu’à 20 %) et un contrôle précoce peut s’avérer primordial. Cependant, la maladie cause généralement des pertes de rendement beaucoup plus réduites, et les attaques tardives (après la floraison) sur les feuilles et les épis se traduisent rarement par des pertes significatives. La résistance variétale est la première des luttes et la plus efficace. Fructidor® fait partie des variétés les plus résistantes.

Concernant la fusariose, les attaques d’épis sont causés par Fusarium graminerarum et Microdonchium app. F. graminerarum est la plus problématique vis-à-vis de la qualité, produisant une mycotoxine dans les grains nommée déoxynivalenol (DON). La limite en DON est fixée à 1250 µg/kg pour accéder au marché de l’alimentation humaine. La fusariose peut générer des dégâts importants et avoir des impacts non négligeables sur le rendement. La protection fongicide n’est pas efficace à 100%. La résistance variétale est le meilleur moyen de lutte, même si que partiel.
La variété Fructidor® est une des variétés les moins sensibles.

Concernant la rouille jaune, cette maladie peut s’avérer très nuisible en cas d’arrivée précoce sur variétés sensibles. La nuisibilité de la rouille jaune est considérable. Dans les parcelles touchées, elle peut atteindre 70%. Sa fréquence est plus faible que d’autres maladies foliaires, mais ses conséquences sont extrêmement dommageables dans les parcelles touchées. Les variétés les plus résistantes, comme Fructidor® ne justifient pas de traitement. Les variétés moins résistantes sont à surveiller.

La septoriose est la maladie la plus fréquente sur le blé dans nos régions. Elle est responsable de l’essentiel des pertes de rendement observées dans les essais. Des pertes de 50 % ont été rapportées dans plusieurs parcelles sévèrement touchées, des pertes qui s’expliquent en grande partie par la prédominance de variétés sensibles à cette maladie du blé. La résistante variétale permet de diminuer la pression parasitaire et la nuisibillité. Fructidor® est une des variétés les plus résistantes.
Par ailleurs, une densité de semis trop élevée va favoriser le développement de ces maladies.

Concernant la rouille brune, elle est en constante évolution dans nos régions. La survenue de plusieurs attaques se traduit par une perte significative de surface foliaire, et donc de rendement, et l’infection des épis entraîne également une perte de qualité des grains.
Les tableaux ci-dessous montrent l’impact des techniques culturales sur le risque d’apparition de ces maladies :

Impact des techniques culturales sur les maladies telluriques et aériennes


La lutte contre les ravageurs

Les principaux ravageurs du blé tendre sont la tordeuse des céréales, les cécidomyies, la mouche mineuse, les pucerons et la cicadelle. 
Le tableau ci-dessous résume les stades clés de la protection du blé contre les ravageurs, les dégâts observés et les seuils d’intervention.
  

Les stades clés de la protection du blé contre les ravageurs

La récolte et le stockage

La récolte du blé tendre d’hiver débute dans nos régions vers le 15 juillet par temps chaud et sec. Le taux d’humidité des grains doit être inférieur à 15% afin d’éviter tout échauffement lors du stockage et limiter l’apparition de fusariose au cours du stockage.
Dans le cas des parcelles où le désherbage n’a pas été suffisant, plusieurs conseils peuvent être appliqués afin de réduire la pression des adventices :
- Récolter ces parcelles ou les zones infestées si possible en dernier.
- Ne pas orienter l’arrière de la machine vers une parcelle adjacente, au moment de réaliser l’entame. Cela permet de circonscrire l’adventice qui pose problème à la parcelle considérée.
- Limiter la soufflerie de la moissonneuse, afin de collecter les graines d’adventices. Réaliser un triage en ferme.
- Nettoyer méticuleusement la machine après récolte de la parcelle.

Les cellules de stockage doivent être propres et sèches avant de recevoir le grain. Par ailleurs, on ventilera chaque cellule afin de refroidir le grain et le sécher afin d’éviter l’utilisation d’insecticides spécifiques au stockage et on les protégera des oiseaux et rongeurs.

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